Gritsuk
Vitalis Manine - Préface de l'éditeur

 

Vaincre l’isolement, telle sera la hantise permanente de Gritsuk. Isolement artistique, il est un des rares peintres abstraits des années 60 en U.R.S.S. Isolement géographique, au sud de la plaine de Sibérie occidentale, Novossibirsk est bien loin du reste du monde. Isolement de l'être au cœur même de ses pulsions mortelles. D’abord figurative sa peinture tend dans les années 60 à l’abstraction post-cubiste qui parodie de manière allusive des univers architecturaux, des natures morte.« au samovar qui se jouent avec souplesse des lieux de la mémoire slave, faisant songer aux compositions rythmiques de Lentoulov. Un chromatisme structurel scande et fragmente le support jusqu'à ses limites, alors que, dans un espace délimité par une structure centrale autour de laquelle les objets prennent place, le non-dit de la fable s'écrit à la manière d'un conte russe. Pour cet artiste, la clarté du langage formel s'accorde avec la sincérité.

Puis, très vite, apparaissent les compositions plus abstraites dans lesquelles, peu à peu, s'effacent les signes identifiables, pour laisser place à l’abstraction totale. C'est dans cette abstraction analytique que Gritsuk atteint pleinement son but. Art vibrant, sans cesse brutalisé et remis en cause, s‘il s’apparente sur le plan formel à Filonov, il est encore plus proche de Miro par sa désarmante sincérité et l'insoumission que sous-tend l'urgence de peindre.

Artiste sans complaisance mû par une probité implacable, Gritsuk déjoue l’oligarchie artistique qui incarne un véritable pouvoir esthétique dans la Russie des années 60. Rechercher une expression individuelle exempte de tout assujettissement, ramener l'acte de peindre à un fait de culture quasi- gnostique sont ses obsessions permanentes.











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