Parallèlement à son œuvre peinte, Anselm Kiefer produit « une œuvre livre ».
L’Art d’Anselm Kiefer commence par les livres. Ils scellent l’alliance entre l’artiste et son œuvre, engendrant une irréversible attraction, une réelle volonté de cohérence. Car depuis l’adolescence, avant même de savoir qu’il sera peintre, Anselm Kiefer compose des livres, dans lesquels il inverse le processus traditionnel de représentation du livre. Celui-ci n’est plus motif dans le tableau - il est œuvre. Il occupe une place privilégiée. Il semble même que tout l’art d’Anselm Kiefer a pour vocation de devenir livre. Chez lui, le livre prolonge le récit de la fable du tableau. Il ne garantit pas l’œuvre, il l’accompagne en en donnant une lecture plus acérée, plus poétique, il participe à la transcription de ses valeurs esthétiques et spirituelles, en lui conférant une façon d’immortalité. Espaces de méditation, ces livres offrent aussi à Anselm Kiefer, l’occasion de donner libre cours à son alacrité, toute son ironie. New York fut une étape entre le départ d’Anselm Kiefer d’Allemagne et son installation en France, en 1992. Il y montra une œuvre composée de trois cents tableaux empilés et d’une trentaine de livres présentés sur des tables et réunis sous le titre 20 ans de Solitude. Livres blancs aux pages souillées de taches jaunes (sperme) et griffées d’écritures - l’un d’entre eux délivre l’art de créer un livre. C’est celui-ci, le seul qui soit écrit que nous publions en fac-similé accompagné d’une introduction de l’artiste qui en explicite le contenu.
Ce livre d’artiste renoue avec la tradition des livres d’artistes, à ne pas confondre avec les livres de bibliophilie - dont les années 60 et 70 furent très friandes.