Dans la tradition documentaire, Martin d’Orgeval a réalisé une série de photographies en noir et blanc des quatre morceaux du Plancher de Jean. Cette série témoigne d’une part d’une oeuvre d’Art brut autonome et remarquable comme création en soi, et d’autre part de la gravité que peuvent atteindre certains troubles psychologiques quand ils ne sont ni reconnus, ni pris en charge, comme c’était le cas à l’époque.
Dans un souci de vérité et d’objectivité, Martin d’Orgeval a photographié le Plancher comme il a été percé, gravé, incisé : dans sa position horizontale d’origine. Il a posé son appareil à la place où Jean se trouvait quand il a exécuté son oeuvre : tout près des mots, comme accroupi ou à genoux, ou bien à une distance d’une personne debout, qui permet une vue plus large mais jamais complète du texte. Adoptant un point de vue en perspective soit frontale soit axiale, il a saisi le Plancher, non pas comme un tableau, mais comme l’objet de la vie de tous les jours, à la lumière naturelle et sur lequel on marche, on vit.
Le texte de Jean prend d’emblée la forme d’un réquisitoire féroce contre la religion, responsable de toutes ses souffrances. Décortiqué par les photographies de Martin d’Orgeval, son champ sémantique exprime les sentiments de culpabilité, de persécution, évoque la guerre, la mort, la paranoïa et la misanthropie. L’idée de sérénité (SANTE, FAMILLE, PAIX, SOMMEIL, INNOCENT) se heurte à l’agressivité et à la haine (HITLER, CRAPULERIE, TUER, CRIMES, PROCES, DIABLE, GUERRES, MALADIES), alors que des mots forts trahissent une conscience menacée (CERVEAU, OEIL, ABUSE, POUVOIR, TRUQUAGE, COMMANDER).
La démarche de Martin d’Orgeval nous montre aussi la brutalité des coups de couteau sur le bois, tous les accidents et dérapages de la lame qui laissent deviner les blessures corporelles. La matière trouée et entaillée ainsi que les parties rongées par l’humidité ajoutent au caractère torturé du personnage et finissent de donner au plancher une dimension expressionniste.
Martin d’Orgeval
Né à Paris, en 1973.
En même temps qu’une formation poussée en histoire de l’art, il édite le travail du photographe François-Marie Banier, organise plusieurs de ses expositions et publie un certain nombre de ses livres, dont Perdre la tête (Villa Medicis, 2005, éd. Steidl, Prix allemand du meilleur livre de photographie, 2006) et Le Chanteur muet des rues avec l’écrivain italien Erri De Luca (Gallimard, 2006).
REQUISITOIRE est sa deuxième exposition.
Expositions personnelles
2006 Pâques, Scuderie di Palazzo Ruspoli, Rome, Italie Pâques, Museo Archeologico Nazionale di Napoli, Naples, Italie Pâques, Galerie Ghislaine Hussenot, Paris
Expositions collectives
2007 Ce qui bouge ne se voit pas, Transphotographiques, Tri Postal, Lille Nuit Blanche, Paris
2006-2007 Forms + Fields, Aspects of Black from the Biedermann collection, Städtische Galerie Villingen – Schwenningen
Livres
2006 Pâques, éd. Steidl, Göttingen, 2006 Série REQUISITOIRE