Un article du quotidien Le Monde est à l’origine de ce travail à deux regards entrepris il y a plus de quinze ans : un professeur d’université en sociologie y exposait son étude consacrée à l’analyse des poubelles pour appréhender la consommation et les comportements sociaux.
Bruno Mouron et Pascal Rostain y trouvèrent là un alibi presque estudiantin mais en parfaite logique avec leur métier ; ils décidèrent alors de « faire les poubelles » de leurs habituels clients, les Célébrités. Ainsi commencèrent-ils par Bardot, Marchais, Le Pen, Tapie, Noah, Depardieu… puis encouragés par Daniel Filipacchi continuèrent leur aventure et leur expérience outre-atlantique à Los Angeles dans les poubelles de stars tel Brando, Nicholson, Madonna, Michael Jackson et même Ronald Reagan.
Leur mode opératoire relève d’une pratique tout autant « paparazzi-que » que sociologique : il s’agit de traquer, repérer, localiser puis d’intriguer et planifier la collecte des déchets avec méticulosité. Ces restes, ces rejets, ces « objets abjects » que l’on occulte en s’en débarrassant constituent alors la matière première de leur démarche. Rapatriés à l’atelier, ils sont choisis selon une logique autant formelle, les formes et les couleurs, que taxinomique : un classement étudié des consommés tendant à révéler l’intimité de leur consommateur. Ainsi composées et photographiées, ces poubelles transitent du refoulé à l’exposé.
Depuis quinze ans Pascal Rostain et Bruno Mouron « font les poubelles » en même temps qu’ils dressent un inventaire qui dérange tant moralement qu’économiquement voire politiquement. Mais qui dérange qui ? qui dérange quoi dans cette affaire ? les sujets eux-mêmes qui préfèrent gérer leur obscénité plutôt que de la laisser à d’autres ; car « la poubelle » c’est l’abjection par excellence, elle est encore plus scatologique que les « humeurs » ; elle est « pornographique » car elle dénonce les travers, les défauts, les déviances, elle dit les hontes et l’ombre.